Feu de camp hier, Uber Eats aujourd’hui. Dans les deux cas, il y a un plat. Mais dans un seul, il y a une communauté.

Partager un repas, c’est se synchroniser. On attrape, on passe, on dit “ encore un peu ? ”. Ces gestes simples mettent les corps au diapason. La psychologie sociale le confirme : manger côte à côte, au même rythme, avec les mêmes saveurs, augmente la confiance. Notre cerveau adore les régularités. Il lit la similitude comme un signe de coopération.

Et il y a le plaisir. La cuisine mobilise tous les sens : le bruit de l’huile qui crépite, l’odeur qui précède les mots, la chaleur d’une assiette et les couleurs qui attirent l’œil. Dans un monde saturé d’écrans, cette matérialité agit comme un ancrage partagé.

Enfin, la nourriture parle. Elle dit : “ tu es le bienvenu ”, “ voilà comment ça se passe ici ”. La table est une grammaire, avec ses rituels, ses silences, ses règles implicites. Dans la famille, les repas rituels – dimanches, fêtes, réveillons – rappellent l’appartenance. Entre amis ou voisins, la table reste l’espace le plus simple et le plus puissant pour créer du lien. Elle fabrique des souvenirs communs, parfois plus solides que des heures de conversation.

Le gastronome Anthelme Brillat-Savarin écrivait dans Physiologie du goût :
“Convier quelqu’un, c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous notre toit.”

Une phrase simple, mais qui résume tout : partager un repas, c’est prendre soin.

Quand la table s’effrite

Et pourtant, cette évidence se fissure. Nous avons inventé mille manières de manger sans vraiment partager. Les dark kitchens nourrissent des quartiers entiers sans que personne ne se rencontre. Les repas sautés se réduisent à des snacks avalés debout. Le droit à une vraie pause devient un privilège : ceux qui peuvent s’attarder à table n’ont pas la même vie que ceux qui mangent à toute vitesse.

En ligne, on multiplie les ersatz. Les mukbangs coréens, où l’on regarde quelqu’un manger, offrent une présence distante. Les apéros Zoom ont dépanné, puis lassé. Les groupes WhatsApp de recettes et les chaînes Slack de bonnes adresses entretiennent le lien, mais rien ne remplace la chaleur d’un plat partagé.

Et puis il y a le téléphone. Ce convive invisible, posé à côté de l’assiette, qui interrompt la conversation au moindre bip. Quand avez-vous, pour la dernière fois, partagé un repas sans lui laisser de place ?

Les résistances et les réinventions

Face à ces glissements, des contre-mouvements émergent. Les AMAP, les repas de quartier, les cantines solidaires réinstallent la convivialité dans des espaces parfois oubliés. Ces initiatives rappellent que la cuisine n’est pas seulement privée : elle peut redevenir un service public officieux, un lieu où l’on parle d’emploi, de loyers, de paperasse ou de projets communs.

L’écologie ajoute une autre dimension. Réduire la viande, privilégier le local, respecter les saisons : ce ne sont pas que des choix techniques. Ce sont de nouvelles règles à négocier collectivement. On débat des symboles de notre gastronomie et on expérimente des alternatives. La transition alimentaire est peut-être aussi une transition relationnelle.

Ces réinventions montrent que la table reste un espace souple. Elle peut accueillir la mémoire et le changement, les traditions et les innovations. Elle s’adapte, mais elle ne disparaît pas.

Et si on s’invitait plus

On ne partage jamais trop de repas. La table est ce lieu de partage, de sensations et de souvenirs. Elle s’effrite, se transforme, s’adapte.

Mais on peut aller plus loin. Osons inviter ceux qu’on ne voit pas d’habitude : le collègue avec qui on ne parle jamais, le voisin qu’on croise sans connaître, l’ami qu’on a laissé filer. Offrons-nous la chance d’élargir le cercle, de fabriquer du commun, de rappeler que nous ne sommes pas faits pour manger seuls.

Posons les téléphones. Et laissons les choses se faire, simplement, à hauteur d’assiette.

Pour aller plus loin

Pourquoi mange-t-on ce que l’on mange ? Comment un simple repas révèle-t-il nos identités, nos appartenances, nos tensions ? Dans L’Omnivore, Claude Fischler explore les choix alimentaires comme un miroir de nos sociétés. Entre commensalité, tabous et industrialisation, il montre comment la nourriture structure bien plus que nos assiettes : elle façonne nos cultures et nos relations. Un classique pour comprendre la table comme un fait social total.

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La rédaction de Brained

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Cet article a été généré par l’IA, relu et retravaillé par un être humain.

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